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Proposition de Loi relative à la

protection patrimoniale des langues régionales

et à leur promotion

loi "Molac"

Textes soumis et votés, Assemblée nationale et Sénat, première lecture

2020

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SENAT : Tèxte votat (10/12/2020)

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 SENAT : Texte voté le 10/12/2020

SENAT : Debats e vòtes  (10/12/2020)

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 SENAT : débats et votes 10/12/2020

SENAT : Tèxte adoptat en comission Cultura, Educacion e Comunicacion (02/12/2020)

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 SENAT : Proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion

Examen du rapport et élaboration du texte de la Commission de la culture, de l'éducation et de la communication (02/12/2020)

LO DEBAT (Source : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20201130/culture.html#toc5)

LE DÉBAT

Présidence de M. Laurent Lafon, président - La réunion est ouverte à 16 h 30.

 

Proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion - Examen du rapport et élaboration du texte de la commission

 

M. Laurent Lafon, président. - Chers collègues, nous examinons aujourd'hui le rapport de Monique de Marco sur la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, adoptée par l'Assemblée nationale le 13 février dernier.

 

Mme Monique de Marco, rapporteure. - Mes chers collègues, à la demande de mon groupe, nous examinerons le 10 décembre prochain une proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion.

 

Vous avez été plusieurs à participer aux auditions préparatoires que j'ai organisées, et je tiens à vous en remercier. J'ai acquis au cours de ces entretiens une première conviction : la question de la promotion des langues régionales dépasse les clivages politiques.

 

Une langue régionale est une langue historiquement parlée sur une partie du territoire national, depuis plus longtemps que le français. Elle se distingue des langues non territoriales, qui sont issues de l'immigration et utilisées par des citoyens français depuis plusieurs générations.

 

La délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF) dénombre une vingtaine de langues régionales en France métropolitaine, et plus d'une cinquantaine dans les territoires d'outre-mer. Ainsi la France est-elle le pays européen connaissant la plus grande diversité linguistique. Bien évidemment, l'utilisation et la vitalité de ces langues varient.

 

Il est très difficile d'estimer le nombre de locuteurs et la dernière enquête nationale date du recensement de 1999. L'Insee avait alors estimé à 5,5 millions le nombre de personnes parlant avec leurs parents dans une langue régionale. Pour sa part, la DGLFLF estime à 4,9 millions le nombre actuel de locuteurs des principales langues régionales. Cependant, cette donnée chiffrée a deux limites. Tout d'abord, certaines langues ne sont pas comptabilisées. De plus, la question se pose de savoir ce qu'est un locuteur, et quelle maîtrise de la langue il faut posséder pour que le terme s'applique.

 

Lors des auditions, j'ai constaté que les informations relatives aux langues régionales restaient parcellaires. Des associations et certaines collectivités territoriales comme la région Bretagne ont pris l'initiative de lancer des études sur le nombre de locuteurs. Toutefois, il nous manque une enquête nationale sur la pratique et la transmission de ces langues. La dernière date de vingt ans, soit une génération, et il me semblerait intéressant que les pouvoirs publics se saisissent de cette question et lancent une nouvelle étude nationale. Cette demande ne relève pas du domaine de la loi, mais notre débat en séance publique sera l'occasion d'appeler le Gouvernement à agir en ce sens.

 

Cependant, malgré le manque de données précises, l'ensemble des personnes auditionnées s'accordent à dire que la pratique des langues régionales recule. Si les langues ultramarines résistent plutôt bien, tout comme le breton et le basque, d'autres connaissent une forte diminution de leur usage. Lors de son audition, le président de l'Institut de la langue régionale flamande nous a indiqué que, en l'espace de vingt ans, le nombre de locuteurs avait été divisé par deux, passant de 90 000 à 45 000 environ, par manque de soutien politique. Et cette langue régionale a la chance d'être transfrontalière et de bénéficier du dynamisme linguistique présent en Belgique. Il faut imaginer la situation des langues régionales qui ne sont pratiquement plus transmises dans le cercle familial, ne peuvent s'appuyer sur un vivier linguistique transfrontalier, et ne bénéficient d'aucun volontarisme politique pour les promouvoir et les défendre !

 

J'en viens au cadre constitutionnel de l'utilisation et de la promotion des langues régionales. Le Conseil constitutionnel s'est saisi de cette question à l'occasion des débats sur la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, et plusieurs décisions sont venues ensuite réaffirmer sa position, sur laquelle je souhaite revenir. D'abord, l'usage du français s'impose aux personnes de droit public et aux personnes de droit privé exerçant une mission de service public. De plus, les particuliers ne peuvent se prévaloir d'une langue autre que le français dans leurs relations avec les administrations et les services publics, et ne peuvent être contraints à utiliser une autre langue que le français. Toutefois, et c'est un point sur lequel je reviendrai, le Conseil constitutionnel précise explicitement que l'article 2 de la Constitution n'interdit pas l'usage de traduction.

 

Vous le savez, la Constitution s'est enrichie en 2008 de l'article 75-1, qui affirme que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. Nous pouvons légitimement nous interroger sur les conséquences de ce nouvel article : la jurisprudence du Conseil constitutionnel, antérieure à 2008, est-elle toujours d'actualité ? À la lecture des travaux préparatoires du projet de loi constitutionnelle de 2008, il me semble que c'est le cas. En effet, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, les deux rapporteurs du projet de loi ont indiqué que l'insertion des langues régionales dans la Constitution n'avait pas pour conséquence d'introduire de nouveaux droits pour ces langues. Bien sûr, le Conseil constitutionnel est souverain, et un revirement de jurisprudence constitutionnelle est toujours possible.

 

Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. Il s'agit d'un patrimoine immatériel et leur valorisation, comme leur promotion, passe par leur utilisation et leur transmission. À ce sujet, je souhaite d'abord évoquer rapidement la présence des langues régionales dans les médias. Selon la loi, France Télévisions doit contribuer à la connaissance et au rayonnement des territoires et des langues régionales. En 2018, 385 heures de programmes en langue régionale ou bilingue ont été diffusées sur les chaînes métropolitaines de France Télévisions, et près de 1 800 heures sur les antennes ultramarines. Par ailleurs, quatre stations locales de France Bleu diffusent dans des langues régionales, et des programmes sont proposés dans ces langues au sein du réseau France Bleu. Au total, ce sont 5 000 heures de programmes diffusées sur les antennes du réseau France Bleu.

 

J'en viens à présent à l'école et à l'enseignement des langues régionales. Aujourd'hui, à part pour quelques langues, la transmission ne se fait plus dans le cercle familial, mais à l'école, qui a donc un rôle important à jouer. Depuis 1951, il est possible d'enseigner les langues régionales à l'école publique et si des progrès sont certainement nécessaires, cette possibilité existe.

 

Au moyen de plusieurs décisions, le Conseil constitutionnel a défini le cadre dans lequel doit se dérouler cet enseignement. Tout d'abord, celui-ci ne peut revêtir un caractère obligatoire ni pour les élèves ni pour les enseignants. De plus, il ne doit pas avoir pour objet de soustraire les élèves aux droits et obligations applicables à tout usager du service public de l'Éducation. Enfin, l'usage d'une langue autre que le français ne peut être imposé aux élèves, ni dans la vie de l'établissement ni dans les disciplines autres que celles de la langue considérée, et l'enseignement dit immersif est donc interdit dans les écoles publiques. Il existe toutefois une exception à cette interdiction : l'expérimentation, qui doit faire l'objet d'une approbation de la part du directeur académique des services de l'éducation nationale (Dasen). L'expérimentation est conduite pendant une période de cinq ans et doit faire l'objet d'une évaluation. Certaines écoles publiques se sont saisies de ce cadre expérimental pour proposer un enseignement plus intensif des langues régionales, rencontrant plus ou moins de difficultés de la part du rectorat.

 

De manière générale, il existe un dispositif d'apprentissage des langues régionales de la maternelle à la terminale. À l'école maternelle, les enfants peuvent bénéficier d'une sensibilisation et d'une initiation et puis, à l'école primaire, la langue régionale peut être enseignée pendant l'horaire consacré aux langues vivantes étrangères. Des classes bilingues français et langue régionale peuvent également être créées. Dans ce cadre, la pratique de la langue peut aller jusqu'à la parité hebdomadaire horaire dans l'usage de la langue régionale et du français. Toutefois, aucune discipline autre que les cours de langue ne peut être exclusivement enseignée en langue régionale. Au collège, les élèves peuvent choisir une langue régionale comme deuxième langue et au lycée, la langue régionale peut faire l'objet d'un enseignement au titre de la deuxième, voire de la troisième langue vivante. Du CP à la terminale, ce sont donc un peu plus de 118 000 élèves qui étudient une langue régionale.

 

J'en viens à présent aux conclusions. Les difficultés ne sont pas dues à un cadre législatif insuffisant, même s'il pourrait être renforcé dans les limites fixées par le Conseil constitutionnel. Elles le sont davantage à une sous-exploitation des possibilités offertes par les textes, par méconnaissance, manque de moyens ou de volonté politique, et à des freins infra-législatifs. Je veux ici vous donner deux exemples.

 

Premièrement, comme l'a rappelé Laurent Nuñez devant notre assemblée en janvier dernier, les officiers de l'état civil sont autorisés à délivrer, à la demande des intéressés, des livrets de famille ainsi que des copies intégrales et extraits d'actes de l'état civil bilingues ou traduits dans une langue régionale. À titre personnel, je l'ai découvert en préparant ce rapport.

 

Deuxièmement, je souhaiterais évoquer la réforme du baccalauréat, qui illustre bien les difficultés infra-législatives pouvant être rencontrées. En effet, les nouvelles modalités de comptage des points rendent les langues régionales moins attractives pour certains élèves. Auparavant, seuls les points au-dessus de la moyenne comptaient tandis qu'aujourd'hui les options langues régionales sont comptabilisées dans la moyenne des bulletins scolaires de la première et de la terminale, et peuvent ainsi faire baisser la note du contrôle continu. À l'inverse, une bonne moyenne sera noyée parmi les autres matières du contrôle continu, qui ne compte que pour 10 % de la note finale.

 

Il existe pourtant un moyen simple pour le ministère de l'éducation nationale d'envoyer un signal en faveur des langues régionales : leur appliquer le même régime qu'au latin et au grec ancien. En effet, ces deux langues sont les seules qui continuent à bénéficier de la bonification pour les points au-dessus de la moyenne. Le grec ancien et le latin sont ainsi comptabilisés deux fois : dans les 10 % du contrôle continu, et dans les points au-dessus de la moyenne qui sont bonifiés d'un coefficient trois avant d'être ajoutés au total des points reçus par l'élève.

 

Malgré ces réserves, je vous propose d'adopter le texte conforme. Des dispositifs législatifs plus ambitieux pourraient mieux assurer la promotion des langues régionales, mais il n'est pas certain qu'ils puissent faire consensus à l'Assemblée nationale, ni même au sein de notre assemblée. Par ailleurs, depuis la loi Deixonne, une soixantaine de propositions de loi relatives aux langues régionales ont été déposées. Aucune n'a été adoptée ni même, bien souvent, inscrite à l'ordre du jour de l'autre assemblée. L'adoption conforme de ce texte permettrait de clore la navette parlementaire et offrirait un symbole de l'engagement du Parlement en faveur des langues régionales.

 

M. Laurent Lafon, président. - Avant d'ouvrir le débat général, nous allons examiner la définition du périmètre de l'article 45, qui encadrera le dépôt d'éventuels amendements.

 

Mme Monique de Marco, rapporteure. - Concernant le périmètre de l'article 45 de la Constitution applicable à cette proposition de loi, je vous propose d'accepter les amendements qui concernent la protection des langues régionales ainsi que leur valorisation et leur promotion. En revanche, pourraient être déclarés comme ne présentant pas de lien, même indirect, avec le texte ceux visant les langues étrangères, portant sur les langues de France autres que les langues régionales, et concernant la promotion et la valorisation de la francophonie.

 

M. Max Brisson- Je souhaiterais d'abord remercier le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST) d'avoir porté cette proposition de loi du député du Morbihan Paul Molac, ainsi que Monique de Marco, pour son rapport circonstancié et argumenté dont je partage les grandes lignes et la conclusion finale.

 

Cependant, j'aurais peut-être été plus dur sur la réforme du baccalauréat qui illustre parfaitement le rapport qu'entretient l'éducation nationale avec les langues régionales, qui en avaient tout simplement été oubliées ! Cet oubli résume tout. J'aurais aussi été plus dur sur l'absence de l'audiovisuel public et aurais souligné le relais assuré par les radios associatives, qui portent les langues régionales sur les ondes.

 

Pour le reste, j'approuve ce rapport et espère qu'il servira de support à un débat apaisé et constructif. En effet, dans les territoires où les langues régionales sont parlées, nous gardons parfois de bien mauvais souvenirs des caricatures offensantes qui sont développées à l'occasion des débats sur les langues régionales - peut-être davantage à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. J'espère en tout cas que le débat de la semaine prochaine sera digne de ces langues qui sont, pour certains de nos concitoyens, des langues maternelles. Nous sommes tous militants de la francophonie et souffrons quand l'usage du français recule ; acceptons que l'on puisse aussi souffrir lorsque l'on voit sa langue maternelle fragilisée ou menacée de disparition.

 

Je suis élu d'un département qui a la chance de compter deux langues dites régionales : le béarnais et la langue basque, qui est par ailleurs une langue d'Europe puisqu'elle est parlée et bénéficie d'un statut officiel au sein de la communauté autonome d'Euskadi et de la députation forale de Navarre, dans le royaume d'Espagne. En Pays basque de France, 60 % des écoles ont des sections bilingues français et basque, mais j'ai bien conscience que cette situation est exceptionnelle, tout comme l'est le consensus politique qui s'est noué au Pays basque sur ce sujet. Ainsi, un homme comme moi, élu d'un parti de tradition jacobine, a fondé et présidé l'Office public de la langue basque, qui regroupe l'État, la région, le département et les communes du Pays basque.

 

La République a toujours eu un rapport difficile avec les langues de France, parce qu'elles ont longtemps été le symbole de la France du cheval de trait, que leur usage paraissait archaïque et réactionnaire. Lutter contre les langues de France était aussi le moyen d'imposer la République et l'émancipation, ce que l'on peut respecter. Les hussards noirs ont mené ce combat en conscience, mais, en 1950, dans les rues de Mauléon ou de Saint-Palais où l'école publique était pourtant bien implantée, on continuait de parler parfaitement la langue basque. Il ne faut donc pas surestimer le rôle de l'école comme élément destructeur des langues de France. En fait, c'est la télévision, la modernité et l'urbanisation qui sont responsables. Avec Intervilles, Guy Lux a fait plus de mal aux langues de France que les hussards noirs de Jules Ferry !

 

Et nous sommes aujourd'hui dans une situation paradoxale puisque la langue est moins parlée dans la rue des villages et des villes et davantage à l'école alors qu'en 1950, c'était le contraire. Cela donne à l'école une responsabilité particulière. La transmission, familiale ou scolaire, est un pilier de ce qui en France est encore un concept inconnu : la politique linguistique.

 

Il serait injuste de dire que l'école ne fait rien pour les langues de France puisque c'est l'administration française qui en fait le plus, en termes de postes déployés et d'efforts budgétaires. Cependant, l'école conçoit l'apprentissage du basque, de l'occitan, du breton, du catalan ou du corse comme une discipline enseignée et non comme un élément de la politique linguistique d'un territoire qui inscrit sa langue non pas dans une vision muséographique, nostalgique ou historique, mais dans la modernité. C'est en tout cas ce que nous avons fait au Pays basque, où nous sommes partis d'une réflexion simple : la langue est le premier vecteur de l'identité, qui est un facteur d'attractivité, car les territoires sans identité sont des territoires sans projet. En Pays basque de France, nous avons pris conscience dans les années 1990 du lien existant entre identité, langue, attractivité et modernité. Ce que nous demandons, c'est que notre combat soit considéré comme un combat de modernité. Nous ne cherchons pas à protéger et à préserver la langue, mais à produire des locuteurs capables de s'exprimer, de travailler et de vivre dans nos langues ! C'est ce que l'éducation nationale ne comprend pas, et c'est là que réside le hiatus entre l'éducation nationale et les élus des territoires, qui ont pris conscience de la dimension moderne des langues, comme reflets des territoires et vecteurs de leur attractivité.

 

Depuis la loi Deixonne, les textes qui ont porté sur les langues régionales sont des textes fondamentaux pour l'école et les collectivités, mais les langues y ont toujours été traitées de façon mineure. À l'opposé, la loi Toubon, qui avait pour but de lutter contre l'anglomania et l'imperium de l'anglo-américain, a été largement utilisée par les préfets et les recteurs contre les langues régionales, trahissant par là même l'objectif du législateur.

 

La proposition de loi de Paul Molac est la bienvenue parce qu'elle rappelle à l'État un certain nombre de ses obligations en ce qu'elle prévoit un cadrage de la loi Toubon, et qu'elle sécurise la place des langues dans l'espace public. En revanche, nous avons tous été surpris par l'absence totale de référence à l'Éducation nationale. Nous avons donc fait des recherches, qui ont montré que les députés de la majorité présidentielle, certainement à l'appel du ministre de l'éducation nationale, avaient systématiquement supprimé tous les articles concernant l'enseignement ! Nous nous retrouvons donc avec une magnifique proposition de loi sur les langues régionales, qui ne dit pas un mot de l'enseignement, comme s'il pouvait y avoir une politique linguistique en faveur des langues régionales qui ne passe pas par l'enseignement !

 

Ma chère collègue, vous avez proposé un vote conforme, mais j'espère que nous ferons preuve d'imagination dans l'hémicycle pour déposer quelques amendements qui rappelleront au Gouvernement qu'il n'y a pas de politique linguistique qui ne s'appuie sur l'éducation. Sinon, c'est de l'enfumage !

 

Notre génération a une responsabilité. J'appartiens à un territoire dans lequel les jeunes qui n'ont pas reçu d'enseignement en langue basque ou en langue occitane reprochent à leurs parents de ne pas les avoir inscrits dans une école publique pour apprendre la langue de leurs grands-parents. Mais aujourd'hui, les plus jeunes générations retrouvent des taux de pratique linguistique proches de ceux des années 1960.

 

Enfin, tout cela n'a jamais remis en cause l'unité de la République. Et je dirais même que les territoires dans lesquels on pratique les langues régionales sont aussi des territoires où l'intégration sociale, le lien et la solidarité sont parmi les plus forts. Les membres du groupe Les Républicains suivront la position formulée par la rapporteure.

 

M. Claude Kern. - Après ce brillant exposé, il est difficile d'intervenir, mais je vais peut-être le faire en alsacien puisque mon collègue n'a pas osé parler en basque ! (M. Kern prononce une phrase en alsacien, à laquelle répond Mme Drexler).

 

Je voudrais féliciter Monique de Marco pour ce brillant exposé et m'associer aux propos de Max Brisson sur l'audiovisuel. Cependant, nous avons su chez nous préserver un espace pour les langues régionales sur les chaînes locales, notamment grâce à l'émission Rund Um, qui signifie « autour de nous ». Un certain nombre d'heures de programmes en alsacien sont également diffusées sur France Bleu Alsace.

 

En ce qui concerne les écoles, il existe une convention pour l'enseignement bilingue entre la région, les deux départements et l'État. Nous avons toutefois des difficultés à trouver des enseignants suffisamment bien formés, même pour les écoles bilingues, qui représentent 40 % de nos écoles. La formation des professeurs d'allemand est un véritable problème, et l'ensemble du cycle allemand de l'université de Strasbourg ne compte que trente étudiants. De plus, dès qu'ils sont formés, ces jeunes partent en Allemagne, où ils gagnent presque le double de ce qu'on leur propose en France. Les écoles de l'Association pour le bilinguisme en classe dès la maternelle (ABCM), soutenues par les collectivités, assurent, quant à elles, un enseignement en alsacien.

 

Vous l'avez dit, langues et cultures régionales font partie de notre patrimoine. Nous essayons de le préserver dans la région, notamment avec l'Office pour la langue et les cultures d'Alsace et de Moselle (Olcam). Par ailleurs, nous organisons des cours d'alsacien pendant les activités périscolaires, mais également des séances s'adressant aux adultes.

 

Quand je suis arrivé à l'école maternelle, je parlais alsacien, pratiquement pas français, et il était interdit de parler alsacien même dans la cour d'école. Nous avons eu ensuite le réflexe de ne pas parler alsacien à nos enfants, et je fais mon mea culpa. Aujourd'hui, ce sont les jeunes parents qui demandent à l'éducation nationale de prendre le relais pour enseigner cette langue encore parlée dans la rue en zone rurale, cette langue qui nous permet de comprendre les Allemands et d'être compris par eux.

 

Grâce à cette proposition de loi, j'espère que nous réussirons à faire évoluer les mentalités. Nous suivrons la proposition de la rapporteure, mais, comme Max Brisson, je pense que quelques amendements s'imposeront en séance.

 

M. Pierre Ouzoulias. - Comme toute sa génération, mon grand-père parlait le limousin. Il a appris le français à l'école ; il n'avait pas le droit d'y parler une autre langue, même dans la cour de récréation. Il est ensuite monté à Paris, et en perdant l'usage du limousin, il a aussi perdu un vocabulaire précieux, ce qu'il a d'ailleurs beaucoup regretté à la fin de sa vie. L'odeur de la nature après l'orage, ou encore certains noms d'oiseaux ne trouvent pas d'équivalents en français. Républicain fervent et absolu, il concevait pourtant parfaitement qu'on puisse avoir deux cultures.

 

En Corrèze, il existe toujours un droit coutumier en limousin, qui n'est pas traduisible. Il réglemente notamment certains usages de la forêt. Si celui-ci disparaît, nous serons alors dans l'incapacité de trouver une transcription dans le droit français. Il s'agirait d'une grande perte culturelle. Les langues régionales font partie de l'identité d'un territoire, et de la relation complexe que les individus nouent avec celui-ci. Il est admirable que des familles étrangères au département, voire parfois à la France, utilisent ce vocabulaire pour décrire des réalités quotidiennes. Ainsi, cette identité n'exclut pas, au contraire : elle est intégrante.

 

Cette proposition de loi me pose plusieurs problèmes, notamment au travers de son article 2, qui fait passer les langues régionales dans le cadre étroit des trésors nationaux. Or, ces derniers sont précisément décrits comme des biens meubles et immeubles. Au-delà de mes doutes sur l'utilité d'une telle démarche, je crains qu'intégrer les langues dans ce registre n'affaiblisse la notion même de patrimoine national, alors que nous en avons absolument besoin.

 

À propos de l'enseignement, je partage totalement les propos de M. Max Brisson : aujourd'hui, rien n'interdit une reconnaissance plus forte des langues régionales. Il est sidérant de constater l'existence de 185 sections internationales dans les lycées, mais de ne pas pouvoir enseigner certaines disciplines en langue régionale. Faudra-t-il attendre l'instauration d'un lycée international occitan à Toulouse pour pouvoir continuer à utiliser la langue d'oc ? Il y a ici une distorsion que je ne comprends pas. Dans les Hauts-de-Seine, par exemple, l'enseignement d'une langue étrangère au lycée est considéré comme un critère d'attractivité énorme. Pourquoi une langue régionale ne le serait-elle pas ? Il y a un certain vestige jacobin qui aboutit à différencier le traitement donné à ces langues.

 

J'approuve aussi les propos formulés sur la loi Toubon. Celle-ci n'est absolument pas appliquée en ce qui concerne l'anglais. Le Centre national de recherche scientifique (CNRS) interdit même quasiment à ses agents de produire des articles scientifiques en français ! En revanche, elle a été utilisée contre les langues régionales, ce qui est une absurdité absolue.

 

L'article 9 vise à autoriser les signes diacritiques des langues régionales dans les actes d'état civil. Mais je ne vois pas ce qui l'interdit dans le droit actuel. De plus, il ne s'agit pas ici des actes de l'administration, mais de la façon dont les gens s'appellent eux-mêmes, ce qui est très différent. Dans les bureaux de vote, on a des cas où les noms sont transcrits sans aucun signe diacritique dans le registre d'état civil, alors que, sur la pièce d'identité de l'individu, ces signes apparaissent parfaitement. Leur usage est donc permis, puisque cette pièce est reconnue par l'administration. Pourtant, cela n'apparaît pas correctement sur la liste électorale. C'est une absurdité.

 

Nous aurions pu aller beaucoup plus loin sur ce texte. Pour un certain nombre de dispositions, on devine qu'il s'agit de forcer la main à une administration encore très rétive à appliquer les textes existants sur la protection des langues régionales. Même si je souhaite que ce texte poursuive son chemin législatif, je pense qu'une réflexion plus ample et plus aboutie sur le sujet est nécessaire.

 

M. Lucien Stanzione. - Je félicite la rapporteure pour son travail approfondi. Max Brisson a quasiment tout dit. Ce texte institue la reconnaissance de l'intérêt patrimonial des différentes langues régionales, qui bénéficieront désormais d'actions de conservation et de promotion, confiées à l'État et aux collectivités territoriales - on ne peut qu'y être favorable. Il consacre également l'usage des langues régionales dans la vie publique, avec le recours à une signalétique plurilingue, ainsi que l'usage de signes caractéristiques de ces langues dans les actes d'état civil. Je m'en réjouis, car les mesures prises pour sauvegarder la diversité linguistique ne se révéleront positives que si l'on attribue un rôle significatif aux langues régionales. Le dynamisme d'une langue dépend en effet de son utilisation, dont l'espace public et l'état civil sont deux composantes essentielles.

 

Concernant la langue provençale, on peut dire que l'école de la République a fait son travail. Dans les cours d'école, il était effectivement interdit de parler le patois, comme me le racontaient mes grands-parents. Aujourd'hui, le provençal n'est quasiment plus utilisé. L'audiovisuel est un vecteur important, qui peut contribuer à sa conservation. Dans mon département, cela se résume à une émission d'une heure et demie appelée « Vaqui », diffusée le dimanche matin. Effectivement, la pratique du provençal est réinstaurée en maternelle et en primaire, mais cela reste relativement marginal. Mon groupe et moi-même sommes donc favorables aux dispositions de cette proposition de loi. Comme l'ont indiqué certains de mes collègues, il sera probablement utile d'y ajouter quelques amendements, afin d'aller plus loin dans ce travail.

 

M. Jean-Pierre Decool. - Madame la rapporteure, je salue votre détermination à défendre les langues régionales. Je voterai cette proposition. J'en profite pour souligner que la version présentée par mon ancien collègue à l'Assemblée nationale, Paul Molac, a été complètement vidée de sa substance. Ce débat est donc très emblématique.

 

Je souhaite évoquer le problème du flamand occidental, qui n'est pas inscrit dans la circulaire relative à l'enseignement des langues et cultures régionales. On a beau soutenir les langues régionales et la pédagogie qu'il faut mettre en oeuvre au collège et au lycée, mais si la langue n'est pas inscrite dans cette circulaire, on ne peut pas avancer. Dans le Nord, nous avons certes réussi à obtenir une expérimentation, mais sa pérennisation n'est pas assurée - cela témoigne de la lenteur administrative pour continuer à enseigner le flamand.

 

Le néerlandais, langue officielle pratiquée en Belgique et aux Pays-Bas, est souvent mis en opposition avec le flamand. Or, il n'y a pas d'antagonisme : le flamand est un dialecte, et les frontaliers franco-belges apprennent le néerlandais à l'école tout en parlant le flamand en entreprise ou à la maison. Je regrette donc que cette proposition de loi n'évoque pas la circulaire et ne prévoit pas la possibilité d'y ajouter une langue, d'autant que le soutien de la région des Hauts-de-France est sans équivoque sur ce point. Il y a, par exemple, une volonté de créer un office de la langue flamande. Néanmoins, je soutiendrai l'adoption de cette proposition de loi.

 

Mme Sylvie Robert- Depuis 2014, nous débattons de ce sujet au Sénat. La dernière fois, ce fut à l'occasion de l'examen de la loi pour une école de la confiance, en 2019. Nous avions aussi débattu de la question de la signalétique plurilingue, à l'occasion de la discussion d'une proposition de loi déposée par le groupe socialiste, qui avait été adoptée à l'unanimité par le Sénat, mais qui n'avait jamais été inscrite à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale. Je suis donc heureuse de voir que ce texte consacre cette question. Par ailleurs, il y a de vrais sujets sur l'audiovisuel, mais aussi sur l'enseignement et la transmission de ces langues régionales, lesquels pourront faire l'objet de futurs amendements.

 

Sur la question de l'inscription des langues régionales parmi les trésors nationaux, je rejoins l'avis de Pierre Ouzoulias. En revanche, je voudrais lui répondre sur les signes diacritiques dans les actes d'état civil. La question du tilde sur le prénom « Fañch » a suscité des revirements de jurisprudence en Bretagne. En effet, le 19 novembre 2019, la cour d'appel de Rennes a autorisé son inscription sur un acte d'état civil, alors même que le tribunal de Brest avait refusé. Le fait d'introduire cet article dans la proposition de loi n'est donc pas anodin, car il y a les discours et les actes.

 

Je suis ravie que l'on puisse débattre de nouveau de ces sujets dans notre hémicycle. Je regrette que la portée de la proposition de loi de Paul Molac ait été amoindrie par l'Assemblée nationale, notamment sur le volet de l'enseignement. Le Sénat a toute liberté pour légiférer. Comme nous souhaitons que ce texte soit voté conforme, nous suivrons la proposition de la rapporteure.

 

M. Jean-Raymond Hugonet. - Je félicite Monique de Marco pour son travail. Je m'associe aux propos de mes collègues, qui se sont exprimés avec passion et finesse. Il manque peut-être à ce texte l'évocation de ce que l'on appelle les géolectes, qui sont des variations géographiques du langage. L'une d'entre elles m'est particulièrement chère : il s'agit de l'argot parisien, si cher à mes idoles que sont Albert Simonin, Michel Audiard, André Pousse. Les géolectes font vraiment partie de notre patrimoine. À l'heure où l'on parle talbin dans la cambuse, laisse quimper ton sabir, Maxou ! Mordez un peu le papelard, c'est de la roupie de sansonnet !

 

Mme Monique de Marco, rapporteure. - Nous venons d'entendre un véritable plaidoyer en faveur des langues régionales. Même si cette proposition de loi ne donne pas entière satisfaction, car elle a été largement amputée par l'Assemblée nationale, je préfère m'y tenir dans un premier temps, par prudence. Et, libres à vous de déposer des amendements. Quoi qu'il en soit, il était important, pour moi, de poser une première pierre sur ce sujet qui est en suspens depuis très longtemps, et qui a toujours fait l'objet de débats, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.

 

Je remercie Max Brisson pour ce plaidoyer pour les langues régionales. Au Pays basque, j'ai constaté que la presse était très mobilisée pour la défense de la langue locale. Cela crée un véritable dynamisme. Il est vrai que le Pays basque est un peu à part, comme nous le voyons au travers des expériences d'immersion à l'école. Ils ont réussi à faire vivre la langue basque. Il en est d'ailleurs de même pour les Corses.

 

Concernant les médias, depuis 1999, la situation évolue, même si cela reste encore insuffisant. Par exemple, le nombre d'heures de diffusion en langues régionales est en augmentation, mais cette évolution pourrait être plus importante encore. Il est clair que les radios associatives et locales ont un grand rôle à jouer pour faire perdurer cette culture locale.

 

Je ne comprends pas la réticence de Pierre Ouzoulias sur les signes diacritiques. Je constate plutôt un besoin de faire en sorte que ces signes soient actés et écrits. On ne peut pas les accepter parfois, et les rejeter à d'autres occasions, car cela peut parfois aboutir à des refus d'acceptation de documents officiels. Il faut donc être très prudent sur ce point ; c'est pourquoi il est important de maintenir cette mesure.

 

Le terme de « trésor national » concerne les biens présentant un intérêt majeur. Nous avons posé la question au ministère de la culture, pour savoir si cette rédaction était acceptable. Ils ont considéré qu'elle l'était.

 

M. Decool, très présent au cours des auditions que nous avons réalisées, nous a vraiment sensibilisés sur cette problématique du flamand occidental, qui n'est absolument pas reconnue par l'éducation nationale, considérant qu'il s'agit d'un dérivé du néerlandais. Je comprends son combat. Pourtant, le breton, ou encore le gallo, sont inscrits dans la circulaire. Je ne comprends toujours pas ce refus à ce jour.

 

Il est vrai que je n'avais pas pensé à l'argot, qui, pour moi, n'est pas une langue régionale. À mes yeux, il s'agit plutôt d'un dérivé d'une langue de France. C'est pourquoi nous ne l'avons pas du tout évoqué.

 

M. Laurent Lafon, président. - Je remercie la rapporteure de son avis éclairé. Nous allons avoir un débat de belle qualité dans l'hémicycle ; chacun d'entre vous a apporté une dimension personnelle, dont nous avons apprécié la sincérité. En tant que sénateur francilien, j'ai considéré ce texte, au départ, comme une curiosité législative, mais cette prétention francilienne était déplacée. Au contraire, on voit bien à l'issue de vos interventions à quel point il touche à des questions d'identité culturelle, qui doivent être abordées avec beaucoup de sérénité. Il est de notre responsabilité de législateur de protéger ces identités en vue de pouvoir les transmettre.

 

EXAMEN DES ARTICLES

 

Article 1er

 

L'article 1er est adopté sans modification.

 

Article 2

 

L'article 2 est adopté sans modification.

 

Article 2 bis

 

L'article 2 bis est adopté sans modification.

 

Article 8

 

L'article 8 est adopté sans modification.

 

Article 9

 

L'article 9 est adopté sans modification.

 

Article 11

 

L'article 11 est adopté sans modification.

 

Article 12

 

L'article 12 est adopté sans modification.

 

En conséquence, la proposition de loi est adoptée sans modification.

 

La réunion est close à 17 h 40.

Reaccion de l'IEO au vòte de la petita lei (03/03/2020)

Réaction de l'IEO au vote de la petite loi (03/03/2020)

Letra deputats&senators Molac 2020 - 2b.

PROPOSITION DE LOI relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion

Texte Adopté 0408 (Petite Loi)

Discussion a l'Assemblada nacionala (13/02/2020)

Résumé des débats à l’Assemblée nationale sur la PPL 2548 « Molac » sur les langues régionales : relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion.

Le gouvernement avait envoyé Jean-Michel Blanquer pour le représenter au banc. Le ministre de l’Éducation a donné des avis défavorables à toutes les mesures concernant l’enseignement.

La proposition de loi initiale comportait 10 articles, dont seuls 3 étaient ressortis de l’examen en commission.

La séance publique a permis :

  • de rétablir le lien avec le Code du patrimoine dans l’article 1 ;

  • de maintenir l’article 2 ;

  • et de l’enrichir de 4 nouveaux articles (signes diacritiques, clarification de la loi Toubon et 2 rapports annuels du gouvernement sur des sujets de l’enseignement).

 

Détail des débats : voir les vidéos ci-dessous

Détail des votes

Scrutin public 2456 : Amendement de suppression n° 50 de Mme Atger à l'article 2. Cet amendement (pour la suppression de l’article 2) n’est pas adopté.

Nombre de votants : 42

Nombre de suffrages exprimés : 42

Majorité absolue : 22

Pour l'adoption : 20

Contre : 22

 

Députés occitans :

​Pour : Loïc Dombreval (06 – LREM), Véronique Hammerer (33 – LREM), Patricia Mirallès (34 - LREM), Bénédicte Peyrol (03 - LREM), Mireille Robert (11 - LREM), Jean-Bernard Sempastous (65 - LREM), Huguette Tiegna (46 - LREM)

Contre : Jeanine Dubié (65 – LT), Sylvia Pinel (82 – LT), Pierre Dharréville (13 – GDR), Emmanuelle Ménard (34 – NI)

Scrutin public 2457 : Amendement n° 61 de M. Le Fur et l'amendement identique suivant à l'article 4 pour reconnaître l’enseignement immersif. Cet amendement n'est pas adopté.

Synthèse du vote

Nombre de votants : 51

Nombre de suffrages exprimés : 51

Majorité absolue : 26

Pour l'adoption : 25

Contre : 26

 

Députés occitans :

Pour : Jeanine Dubié (65 – LT), Sylvia Pinel (82 – LT), Emmanuelle Ménard (34 – NI)

Contre : Loïc Dombreval (06 – LREM), Véronique Hammerer (33 – LREM), Patricia Mirallès (34 - LREM), Bénédicte Peyrol (03 - LREM), Mireille Robert (11 - LREM), Jean-Bernard Sempastous (65 - LREM), Huguette Tiegna (46 - LREM)

Scrutin public 2458 : l'amendement n° 53 de Mme Ménard et l'amendement identique (Molac) suivant à l'article 9 pour reconnaître les signes diacritiques des langues régionales. Cet amendement est adopté.

Synthèse du vote

Nombre de votants : 50

Nombre de suffrages exprimés : 50

Majorité absolue : 26

Pour l'adoption : 26

Contre : 24

 

Députés occitans :

Pour : Jeanine Dubié (65 – LT), Sylvia Pinel (82 – LT), Pierre Dharréville (13 – GDR), Emmanuelle Ménard (34 – NI)

Contre : Loïc Dombreval (06 – LREM), Véronique Hammerer (33 – LREM), Patricia Mirallès (34 - LREM), Bénédicte Peyrol (03 - LREM), Mireille Robert (11 - LREM), Jean-Bernard Sempastous (65 - LREM), Huguette Tiegna (46 - LREM)

 

Scrutin public 2459 : Scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion

Synthèse du vote

Nombre de votants : 49

Nombre de suffrages exprimés : 46

Majorité absolue : 24

Pour l'adoption : 46

Contre : 0

Députés occitans :

Pour : Patricia Mirallès (34 - LREM), Bénédicte Peyrol (03 - LREM), Mireille Robert (11 - LREM), Jean-Bernard Sempastous (65 - LREM), Huguette Tiegna (46 - LREM), Jeanine Dubié (65 – LT), Sylvia Pinel (82 – LT), Pierre Dharréville (13 – GDR), Emmanuelle Ménard (34 – NI)

Contre : 0

L'Assemblée nationale a adopté. Le texte a été voté à l’unanimité. Seules trois députées LREM (Bergé, Lang et Rossi) se sont abstenues en raison de la discipline de groupe alors que leurs propos permettent de connaître leur opposition aux langues régionales.

 

Le texte voté le 13 février sera transmis au Sénat. Plusieurs choses peuvent se passer :

  • 1. Son inscription à l’ordre du jour est remise aux calendes grecques.

  • 2. Il est rejeté par le Sénat et revient à l’Assemblée. Il devra attendre une nouvelle niche parlementaire Libertés et Territoires (groupe de Paul Molac) pour être débattu en 2e lecture.

  • 3. Il est voté par le Sénat dans la même version que le texte voté. Après un contrôle de constitutionnalité, il pourra être promulgué.

  • 4. Il est voté par le Sénat dans une version différente du texte voté : il partira alors en 2e lecture à l’Assemblée ou passera en commission mixte paritaire pour que sénateurs et députés s’entendent sur une version commune qui épargne une 2e lecture dans les deux chambres. Après un contrôle de constitutionnalité, il pourra être promulgué.

(C) IEO, d'après DIWAN

PROTECTION PATRIMONIALE DES LANGUES RÉGIONALES

M. le président de séance
M. Paul Molac, rap. cion aff. cult.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Discussion générale
M. Bertrand Pancher
M. Bastien Lachaud
M. Stéphane Peu
Mme Stéphanie Atger
M. Marc Le Fur
Mme Géraldine Bannier
Mme Josette Manin
Mme Béatrice Descamps
Mme Emmanuelle Ménard
M. Paul Molac, rap. cion aff. cult.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre
Rappel au règlement
M. Patrick Hetzel


M. le président de séance
Discussion des articles
Article Premier
Mme Sylvia Pinel
M. Patrick Hetzel
M. Yannick Kerlogot

M. le président de séance
Article PREMIER (suite)
Article 2
M. Paul-André Colombani
M. Patrick Hetzel
M. Erwan Balanant
Discussion des amendements
Après l'article 2
Article 3 (supprimé)
Après l'article 3
Articles 4 (supprimé) à article 9 (supprimé)
Après l'article 10
Adts 81 à 22
Suspension
Adt 26
Explications de vote
Mme Stéphanie Atger
Mme Géraldine Bannier
M. Marc Le Fur
M. Pierre Dharréville
Mme Béatrice Descamps
Vote

L'Institut d'Estudis Occitans (IEO), membre deu collectiu " Pour Que Vivent Nos Langues ", que sostien la proposicion de Lei " Protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion " deu deputat Paul Molac, amendada en comission cultura lo 5 de heurèr, e qui serà votada a l'Amassada nacionau lo dijaus 13 de heurèr. L'IEO que demanda aus sons aderents e aus simpatisants de la lenga occitana de butar de cap a los lors deputats endé har saber la lor preoccupacion de cap ad aqueste vòte, quitament se la magèr part deus articles pertocant la question de l'ensehament estón arrefusats (que damoran los articles 1, 2 e 8). Qu'es enqüèra possible de votar amendaments, e de pensar a ua futura lei. Que'vs junham a la fin ua letra " tipa " qui se pòt mandar, per cada ciutadan, au son deputat endé sostiéner e har créisher la demanda de la societat civila.

 

  1. Qu'es rebrembat que l'iniciativa personau qu'es d'autant mei presa en compte per lo/la deputat que lo ciutadant e damòra dens la circonscripcion.

  2. La lista deus deputats occitans e adreças mèl que son de bon trobar a partir ací

 

***

L'Institut d'Estudis Occitans (IEO), membre du collectif " Pour Que Vivent Nos Langues ", soutien la proposition de Loi " Protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion " présentée par le député Paul Molac, et fortement amendée lors de son passage devant la commission culture le 5 février dernier. Celle-ci sera soumise au vote des députés ce jeudi 13 février. L'IEO demande à ses adhérents et à l'ensemble des sympathisants de la langue occitane d'interpeler leur député afin de leur faire savoir l'importance de ce vote malgré l'ampleur des articles rejetés (il ne reste que les articles 1, 2 et 8 et l'ensemble des articles relatifs à l'enseignement ont été rejetés). Il est encore possible de faire des amendements, et de modifier cette loi ou de penser à une suivante.

 

Vous trouverez ci-dessus une lettre "type" qui peut être envoyée afin d'identifier et faire connaître l'existence réelle d'une demande de la part de la société civile sur cette question.

Nous vous rappelons que ces interpellations ont d'autant plus de poids qu'elles proviennent de citoyens qui vivent et/ou votent dans la circonscription du député concerné.

La lista des députés occitans, ainsi que leur adresse email, peut être trouvée ici.

Suprimir e/o adaptar lo tèxte en roge

 

Monsieur le député,

Madame la députée

 

Je souhaite attirer votre attention sur la proposition de loi de votre collègue Paul Molac relative à la " Protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion ", qui sera étudiée en séance publique ce jeudi 13 février.

 

A noter que si cette PPL n°2548 a bien été votée par la commission des affaires culturelles mercredi 5 février, je suis consterné(e) de voir qu’elle a été amputée d'éléments fondamentaux, notamment en ce qui concerne les articles tendant à favoriser leur enseignement. Par votre action, il est primordial que vous puissiez contribuer à l’adoption d’un texte plus ambitieux, notamment en matière d'enseignement, et cela dans l'intérêt du maintien de la transmission de nos langues en péril d’extinction. Car pour assurer la pérennité des langues régionales, des moyens conséquents doivent être mis en place pour assurer leur transmission. A l'heure où celle-ci se réalise dans l’immense majorité grâce à l'école, il convient d’en renforcer les moyens alors que la réforme du bac en cours a des répercussions très négatives pour leur enseignement dans les lycées.

 

En vous remerciant par avance pour votre mobilisation lors de l’examen de cette proposition de loi le 13 février prochain dans l’hémicycle, je vous prie de bien vouloir recevoir, monsieur le député/madame la députée, en mes sentiments les meilleurs.

 

Prénom/nom

Adresse complète ou simplifié (Ville/Village + CP)

Lo 5 de heurèr de 2020, ua proposicion de lei n°2548, titolada "Protection patrimoniale et promotion des langues régionales" que serà presentada e discutida a l'Assemblada nacionau.

L'IEO qu'interpelè dirèctament l'ensemble deus deputats, e mei precisament los deputats elegits en Occitània, per s'engatjar en favor deu tèxte. Aquesta demanda que segueish la manifestacion organizada a París lo 30 de noveme de 2019, cap au Ministèri de l'Educacion nacionau e contra la refòrma Blanquer, dens lo quadre deu collectiu "Pour que vivent nos langues".

L'IEO que demanda a l'ensemble deus sons aderents e simpatisants de quichar de cap aus sons deputats endé que s'engatgi en favor deu tèxte au-delà de tota consideracion partisana e de comunicar aquesta demanda lo mei largament que sia.

***

 

Le 5 février prochain, une proposition de loi n°2548, intitulée "Protection patrimoniale et promotion des langues régionales" sera présentée et discutée à l'Assemblée nationale.

 

L'IEO a envoyé un courrier à l'ensemble des députés, et plus particulièrement aux députés élus en Occitanie, afin qu'ils s'engagent en faveur du texte. Cette action s'inscrit dans la démarche initiée avec la manifestation parisienne du 30 novembre dernier devant le siège de l'Éducation nationale demandant le retrait de la réforme Blanquer (collectif Pour que vivent nos langues).

 

L'IEO demande à l'ensemble de ses adhérents et sympathisants de compléter sa démarche en interpellant le plus largement possible ses députés pour qu'ils s'engagent en faveur de ce texte, sans esprit partisan, et de communiquer le plus largement qu'il soit sur la demande faite aux élus.

Letra deputats Molac 2020.jpg

PROPOSITION DE LOI initiale
relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion,

présentée par Mesdames et Messieurs
Paul MOLAC, Sylvain BRIAL, Jean-Félix ACQUAVIVA, Michel CASTELLANI, Jean-Michel CLÉMENT, Paul-André COLOMBANI, Charles
de COURSON, Jeanine DUBIÉ, Frédérique DUMAS, M’jid EL GUERRAB, Olivier FALORNI, Yannick FAVENNEC BECOT, Sandrine JOSSO,
François-Michel LAMBERT, Matthieu ORPHELIN, Bertrand PANCHER, Sylvia PINEL, François PUPPONI, Philippe VIGIER,
députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS


MESDAMES, MESSIEURS,
Depuis l’adoption de l’article 75-1 de la Constitution lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. Cette intégration des langues régionales au patrimoine constitutionnel de la France appelle un développement législatif qui contribuera à définir, sur cette base constitutionnelle, les mesures législatives de protection et de promotion nécessaires à la sauvegarde de ces langues. Telle était l’intention initiale du pouvoir constituant dérivé, lorsqu’il décida d’insérer l’article 75-1 à la Constitution, afin de doter d’une base constitutionnelle l’adoption future d’une loi relative aux langues régionales.
Depuis cette révision constitutionnelle, plusieurs dispositions législatives concernant les langues régionales ont été adoptées par le Parlement. Il en est ainsi de la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Cette loi reconnaît pour la première fois dans notre législation l’enseignement bilingue français-langue régionale, que celui-ci doit être favorisé et que les familles seront informées des différentes offres d’apprentissage. À cela s’ajoutent cinq mentions supplémentaires situées dans l’annexe de la loi, notamment celle concernant la possibilité de s’inscrire dans une école publique d’une autre commune lorsque la commune de résidence ne propose pas d’enseignement de langue régionale. Cette disposition, à portée déclarative dans la loi du 8 juillet 2013, a trouvé une confirmation juridique concrète dans la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) : la participation financière à la scolarisation des enfants concernés dans l’enseignement public doit désormais faire l’objet d’un accord entre la commune d’accueil et la commune de résidence.
L’article 104 de la loi NOTRe précitée vient par ailleurs utilement consacrer la compétence partagée des collectivités locales dans la promotion des langues régionales, tout en donnant une prééminence à la région, telle que prévue à l’article 1er de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM).
Un nouveau motif de discrimination basé sur « la maitrise d’une autre langue que le français », modifiant l’article 225-1 du code pénal et la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, a été instauré par l’article 86 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Ces nouvelles dispositions concernent également les langues régionales.
Dans la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique, l’article 76 rend inopérant le décret du 2 Thermidor an II sur lequel se basait notamment le ministère de la justice pour interdire les livrets de famille bilingues.
Enfin, l’article 34 de loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance vient étendre aux écoles privées sous contrat et associatives, l’obligation d’un accord entre les communes pour la prise en charge du forfait scolaire pour tout élève s’inscrivant dans une école dispensant un enseignement de langue régionale en dehors de sa commune de résidence.
Malgré ces nouvelles dispositions, force est de constater que depuis 2008, aucune loi cadre n’est venue fixer un statut législatif des langues régionales. Un pas important, attendu depuis 1999, aurait pu être réalisé grâce à la ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, mais celle-ci a été rejetée par le Sénat le 28 octobre 2015.
Au terme de cette histoire législative récente, il convient de préciser le sens de l’article 75-1 de la Constitution qui fait des langues régionales le patrimoine de la Nation, afin qu’il ne reste pas un ensemble vide, ce qui serait inconcevable dans la tradition juridique française : le législateur doit continuer à définir les premiers éléments de ce statut législatif, en précisant quelles mesures appelle la patrimonialisation des langues régionales dans la Constitution.
Cette démarche législative s’inscrit en pleine cohérence avec les engagements internationaux pris par la République, dont ceux issus de la signature et ratification de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine immatériel de 2003 et de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005, toutes deux de l’UNESCO.

Sans être exhaustives, les mesures présentes dans cette proposition de loi répondent entièrement au double objectif de protection et de promotion du patrimoine immatériel et de la diversité culturelle dont les langues régionales constituent l’une des expressions.
Si l’article 75-1 de la Constitution appelle un développement législatif, afin de définir les mesures de protection et de promotion dont les langues régionales doivent bénéficier, il ne saurait se traduire en des droits constitutionnels nouveaux pour les locuteurs de ces langues, selon l’interprétation faite par le Conseil constitutionnel. Toujours selon ce dernier, la langue de la République restant le français, aucun droit à l’usage des langues régionales ne saurait être reconnu à des communautés linguistiques, ou aux locuteurs appartenant à ces communautés. L’insertion des langues régionales dans le patrimoine constitutionnel s’inscrit dans une complémentarité avec l’article 2 de la Constitution. Les mesures de protection et de promotion des langues régionales prévues dans la présente proposition de loi s’inscrivent en totale cohérence avec cette complémentarité constitutionnelle. Elles visent à définir certaines mesures de protection et de promotion du patrimoine constitutionnel des langues régionales qui incombent aux collectivités publiques.
La présente proposition de loi définit trois domaines où des mesures de protection et de promotion des langues régionales peuvent être apportées :

 

le patrimoine (articles 1 et 2), l’enseignement (articles 3 à 7), les services publics via la signalétique et les actes d’état civil (articles 8
et 9).
L’article 1er précise que le patrimoine culturel immatériel, dont la langue française et les langues régionales sont une partie essentielle, doit pouvoir bénéficier de politiques de conservation et de connaissance au même titre que le patrimoine immobilier ou mobilier, dont la France peut s’enorgueillir d’avoir été un des premiers pays au monde à avoir saisi l’urgente nécessité de le protéger et de le mettre en valeur pour les générations futures. En effet, le code du patrimoine, s’il reconnaît dans son article L. 1 comme faisant partie du patrimoine le patrimoine culturel immatériel au sens de l’article 2 de la convention internationale pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel adoptée à Paris le 17 octobre 2003, celui-ci ne précise pas quelles mesures particulières peuvent être prises par les pouvoirs publics pour sa conservation et sa connaissance alors que, par nature, les dispositions qui concernent le patrimoine matériel ne lui sont pas systématiquement transposables. Le rappel des deux grands principes qui encadrent la vision française du patrimoine, la conservation et la connaissance, est de nature à faciliter, pour l’État et les collectivités, la définition et la mise en oeuvre de politiques
adaptées et efficaces pour chaque aspect du patrimoine culturel immatériel.
L’article 2 permet à la puissance publique d’intervenir pour protéger et conserver sur le territoire national tout bien qui présenterait un intérêt majeur du point de vue linguistique, qu’il s’agisse de la langue française ou des langues régionales. Cette mesure renforce la protection d’éléments patrimoniaux relevant du domaine privé, dont l’intérêt linguistique serait majeur tandis que leur intérêt historique, artistique ou archéologique serait moindre. Les mesures prévues au titre II du livre Ier du code du patrimoine pourront ainsi s’étendre à des biens essentiels pour la connaissance de la langue française et des langues régionales, par exemple les premiers enregistrements réalisés au dix-neuvième siècle sur rouleaux de cire, témoins de la phonologie ancienne des langues parlées sur notre territoire, ou encore certains manuscrits de l’époque moderne qui sont des sources extrêmement précieuses pour les linguistes.

 

L’article 3 pose le principe de la reconnaissance de l’enseignement des langues régionales comme matière facultative dans le cadre de l’horaire normal d’enseignement. L’article L. 312-11-1 du code de l’éducation est une première reconnaissance de la valeur patrimoniale d’une langue régionale et il convient, en toute égalité, d’en étendre la possibilité à l’ensemble des langues régionales sur le territoire. Toutefois, à la différence du dispositif prévu pour la Corse, cet enseignement se matérialiserait à la suite de la signature de conventions entre l’État et les régions, et pourrait ne s’appliquer qu’à tout ou partie des territoires concernés. Dans le cadre de ces conventions et lorsqu’il existe un besoin reconnu sur un territoire, l’enseignement de la langue régionale devra être obligatoirement proposé aux élèves des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sans que cet enseignement ne soit pour autant obligatoire.
Dans sa décision n° 2001-454 DC du 17 janvier 2002, le Conseil constitutionnel avait déjà fixé les bornes que nous souhaitons inscrire par cette proposition de loi, en considérant que « si l’enseignement de la langue corse est prévu « dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires”, il ne saurait revêtir pour autant un caractère obligatoire ni pour les élèves, ni pour les enseignants ; qu’il ne saurait non plus avoir pour effet de soustraire les élèves aux droits et obligations applicables à l’ensemble des usagers des établissements qui assurent le service public de l’enseignement ou sont associés à celui-ci ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sous réserve que l’enseignement de la langue corse revête, tant dans son principe que dans ses modalités de mise en oeuvre, un caractère facultatif, [cette disposition] n’est contraire ni au principe d’égalité ni à aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle. »
La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a consacré dans son article 104 la compétence partagée des collectivités territoriales dans la promotion des langues régionales. Ces collectivités ont besoin d’un cadre juridique stable et renforcé pour mettre en oeuvre cette compétence. En outre, plusieurs études montrent que la maîtrise du français n’est en aucun cas affectée par la maîtrise d’une langue régionale, bien au contraire. Elle favorise par ailleurs l’apprentissage d’autres langues européennes.
L’article 4 pose le principe de la reconnaissance de l’enseignement bilingue français-langues régionales quelle que soit la durée des enseignements dispensés dans ces deux langues, dans le respect des objectifs de maîtrise de la langue française fixés par le code de l’éducation.

Comme énoncé précédemment, grâce à la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, l’article L. 312-10 du code de l’éducation reconnaît l’enseignement bilingue en langue française et en langue régionale. Il n’est toutefois pas fait mention de l’enseignement bilingue dit immersif, ce à quoi propose de remédier cet article en reconnaissant dans la loi toutes les formes d’enseignement bilingue qui sont dispensés en France.
Cet enseignement est dispensé en majorité par des établissements d’enseignement associatifs qui assurent un enseignement laïc. Il peut, toutefois, également être appliqué par des établissements d’enseignement confessionnel voire par des établissements publics locaux d’enseignement de manière expérimentale, comme cela est le cas dans le département des Pyrénées-Atlantiques depuis la mise en place en 2008 par l’éducation nationale d’un protocole d’expérimentation pédagogique à cet effet. De plus, cet enseignement bénéficie d’une reconnaissance au niveau réglementaire puisque l’arrêté du 31 juillet 2001 relatif à la mise en place d’un enseignement bilingue en langues régionales précise dans son article 2 qu’un tel enseignement peut être mis en place dans les zones d’influence des langues régionales.
Les articles 5 et 6 ouvrent aux collectivités territoriales compétentes et volontaires, des possibilités de financement des dépenses  ’investissements des établissements d’enseignement général privés, laïcs, ouverts à tous, gratuits et respectant les programmes nationaux qui dispensent un enseignement bilingue français-langue régionale.
Dans sa décision n° 93-329 DC du 13 janvier 1994, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de rappeler que le législateur peut prévoirl’octroi d’une aide des collectivités publiques aux établissements d’enseignement privés. Le Conseil a également rappelé que cette aide pouvait être facultative, les collectivités territoriales appliquant le principe constitutionnel de libre administration. Toutefois, dans cette hypothèse, les modalités d’application de cette faculté ne doivent pas conduire à ce que les conditions essentielles d’exercice de la liberté d’enseignement ne soient pas les mêmes sur tout le territoire. Afin de vérifier que cette condition est remplie, le Conseil constitutionnel pose plusieurs critères.
Les articles 5 et 6 reprennent les conditions posées par le Conseil constitutionnel dans sa décision de 1994, afin de s’assurer que les modalités d’exercice du financement des établissements d’enseignement privés dispensant un enseignement bilingue français-langue régionale respectent la Constitution. L’article 5 ouvre la faculté de subventionner les dépenses d’investissement des établissements privés de premier degré aux collectivités territoriales disposant de cette même compétence pour les établissements publics d’enseignement : les communes et, le cas échéant, leurs groupements. L’article 6 procède de la même manière en ouvrant la faculté d’allouer de telles subventions aux collectivités territoriales compétentes pour financer les dépenses d’investissement des établissements publics : les départements pour les collèges et les régions pour les lycées.
Enfin, les articles 5 et 6 fixent également des critères objectifs que les établissements d’enseignement privés doivent remplir afin de pouvoir  bénéficier des aides des collectivités territoriales compétentes. Ces critères, qui sont cumulatifs, poursuivent l’objectif de limiter le pouvoir discrétionnaire des collectivités territoriales dans la décision d’octroyer des aides qui doivent poursuivre des objectifs d’intérêt général et éviter que les conditions d’exercice de la liberté d’enseignement ne soient pas les mêmes sur tout le territoire.
Parmi ces critères figure le point selon lequel les bénéficiaires de ces aides sont les établissements d’enseignement privés dispensant un enseignement bilingue français-langue régionale. En effet, ces établissements jouent un rôle majeur dans la transmission de la langue française et des langues régionales et remplissent donc la mission de protection et de promotion de ces langues par application du mandat constitutionnel posé par l’article 75-1 de la Constitution. Cette mission de protection et de promotion revêt donc un intérêt général dans la préservation du patrimoine linguistique reconnu par la Constitution et justifie l’octroi d’aides par les collectivités territoriales compétentes.
Les autres critères contribuent également à définir les modalités particulières de fonctionnement que doivent mettre en oeuvre ces établissements afin de bénéficier des aides, dans l’optique d’offrir à leurs usagers les mêmes droits qu’à ceux du service public national d’éducation.
Ainsi, les aides ne peuvent être versées que lorsque les établissements dispensent un enseignement à caractère laïc, ce qui a pour conséquence de s’inscrire dans la tradition de l’école républicaine et d’exclure les établissements dispensant un enseignement confessionnel. Dans la même logique, les aides ne sont versées qu’aux établissements qui, comme ceux du service public, dispensent un enseignement gratuit, ouvert à tous et qui respecte les programmes nationaux du premier degré et les schémas prévisionnels de formation des collèges et des lycées.
La mise en place de ces critères objectifs permet donc à la fois d’assurer que l’exercice de la liberté d’enseignement est le même sur tout
le territoire et de réserver les aides aux établissements d’enseignement privés qui s’inscrivent dans les valeurs et principes de l’école républicaine (gratuité, laïcité, égal accès de tous, respect des programmes nationaux), tout en reconnaissant la spécificité de leur contribution à la protection et à la promotion des langues régionales conformément à la mission assignée par l’article 75-1 de la Constitution.
L’article 7 prévoit de préciser les dispositions du code de l’éducation relatives à la participation financière des communes à la  scolarisation des élèves en langue régionale. Les articles L. 212-8 et L. 442-5-1, respectivement pour les écoles publiques et privées sous contrat, énoncent que la participation financière à la scolarisation des enfants en établissements du premier degré qui dispensent un enseignement de langue régionale doive faire l’objet d’un accord entre la commune d’accueil et la commune de résidence, à la condition que cette dernière ne dispose pas d’école dispensant un enseignement de langue régionale. Il est proposé par cet article de préciser que cette participation financière est due lorsque la commune de résidence ne dispose pas d’école dispensant un enseignement bilingue, et non simplement un enseignement de la langue régionale, ce qui pourrait ne concerner qu’une simple initiation. L’enseignement bilingue est celui le plus à même de développer les capacités linguistiques des élèves et il convient de mieux cibler financièrement les écoles le dispensant.
L’article 8 concerne la place et l’usage des langues régionales dans la vie publique. Il prévoit, sur proposition des régions et par voie conventionnelle ou contractuelle, la possibilité d’une généralisation par les services publics sur tout ou partie de leurs territoires de la signalétique bilingue ou plurilingue à l’occasion de leur installation ou de leur renouvellement ainsi que dans leurs principaux supports de communication.
L’article 9 entend reconnaître dans la loi la possibilité pour les services publics d’état civil d’utiliser dans les actes d’état civil qu’ils produisent les signes diacritiques des langues régionales parlées sur le territoire français. Actuellement, la circulaire du 23 juillet 2014 relative à l’état civil définit les principes d’écriture des prénoms admis par l’administration française. Elle liste les signes diacritiques autorisés, parmi lesquels ne figurent pas le tilde, pourtant utilisé en breton et en basque, ou encore l’accent aigu sur le « i », le « o » ou le « u », utilisé en catalan.
Cette circulaire est ainsi à l’origine de l’interdiction faite à un couple de parents de prénommer leur enfant « Fañch » selon un jugement en première instance du Tribunal de grande instance de Quimper, lui-même saisi par le Procureur de la République de cette ville. La Cour d’appel de Rennes donnera quant à elle satisfaction aux parents, tandis que le pourvoi en Cassation ne reviendra pas mettre en cause cette décision. Cette décision de justice se justifie notamment par le fait que plusieurs mots communs contenus dans des dictionnaires actuels de langue française comprennent un tilde, tout comme celui-ci est apparu dans un acte officiel de la République Française : le décret de promotion de M. Laurent Nuñez, alors à la tête de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI), au grade d’officier de l’ordre national du Mérite, le 15 mai 2015.
Surtout, il n’est pas fait mention dans la loi d’une interdiction d’orthographier les prénoms en langues régionales dans leurs alphabets latins respectifs et, en ce sens, la circulaire introduit des interdictions qui limitent le principe de liberté de choix. Par ailleurs cette interdiction ne saurait être dictée par l’article 2 de la Constitution et toute norme législative inférieure puisque l’on voit mal comment ils trouveraient à s’appliquer à un nom propre comme le prénom Fañch. Le fait de rédiger un texte en français n’oblige en effet en aucun cas à franciser les noms propres : la mention de « Berlin » dans un texte officiel fait référence à un nom allemand, qui s’avère ne pas avoir fait l’objet d’une francisation ; de la même manière, évoquer une personne prénommée William ne modifie pas le fait que William reste un prénom anglais.
Dans le cas présent, en précisant de manière extrêmement fine la liste des lettres de l’alphabet autorisées dans l’état civil, la circulaire effectue un durcissement de la législation et pourrait être attaquée devant la justice.
Celle-ci peut censurer celles de ces dispositions que le ministre n’est pas compétent pour prendre, non seulement lorsque la circulaire comprend des instructions contraires au droit en vigueur, mais aussi lorsqu’elle ajoute des règles nouvelles, selon la notion de l’excès de pouvoir.
Il est donc proposé de remédier à cette insécurité juridique de la loi en proposant d’inscrire dans le code civil la possibilité d’utiliser les signes diacritiques des langues régionales de France dans les actes d’état civil.

 


PROPOSITION DE LOI


TITRE IER
PROTECTION PATRIMONIALE DES LANGUES RÉGIONALES

 

Article 1er
Le deuxième alinéa l’article L. 1 du code du patrimoine est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« La conservation et la connaissance du patrimoine immatériel sont d’intérêt général.
« L’État et les collectivités territoriales concourent à l’enseignement, à la diffusion et à la promotion de la langue française et des langues régionales qui sont une partie essentielle de ce patrimoine. »

 

Article 2
Après le mot : « art », la fin du 5° de l’article L. 111-1 du code du patrimoine est ainsi rédigée : « , de l’archéologie ou de la connaissance de
la langue française et des langues régionales. »

 

TITRE II
ENSEIGNEMENT DES LANGUES RÉGIONALES

 

Article 3
La section 4 du chapitre II du titre Ier du livre III de la deuxième partie du code de l’éducation est complétée par un article L. 312-11-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 312-11-2. - Sans préjudice de l’article L. 312-11-1, dans le cadre de conventions entre l’État et les régions, la collectivité de Corse ou les collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l’horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés. »

 

Article 4
Le 2° de l’article L. 312-10 du code de l’éducation est complété par les mots : « , dans le respect des objectifs de maîtrise des deux langues à chaque niveau d’enseignement. ».

 

Article 5
Après l’article L. 151-4 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 151-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 151-4-1. – Les établissements d’enseignement général privés du premier degré peuvent obtenir des communes ou de leurs groupements, des locaux et une subvention d’investissement.
« Afin de pouvoir bénéficier de ces subventions et de ces locaux, dont la décision d’attribution correspond aux communes ou à leurs groupements, ces établissements :
« 1° Dispensent un enseignement à caractère laïc ;
« 2° Dispensent un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale ;
« 3° Garantissent l’égal accès des élèves souhaitant suivre leur enseignement ;
« 4° Dispensent un enseignement gratuit ;
« 5° Et dispensent un enseignement qui respecte les programmes nationaux.
« L’attribution d’une subvention ou de locaux ne doit pas aboutir à ce que les établissements d’enseignements privés bénéficiant de ces aides se trouvent dans une situation plus favorable que les établissements publics d’enseignement compte tenu des charges et des obligations particulières qui incombent à ces derniers. »

Article 6
Après l’article L. 151-4 du code de l’éducation, il est inséré un article L. 151-4-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 151-4-2. – Les établissements d’enseignement général privés du second degré peuvent obtenir des départements ou des régions, des locaux et une subvention d’investissement, s’ils :
« 1° Dispensent un enseignement à caractère laïc ;
« 2° Dispensent un enseignement bilingue en langue française et en langue régionale ;
« 3° Garantissent l’égal accès des élèves souhaitant suivre leur enseignement ;
« 4° Dispensent un enseignement gratuit ;
« 5° Et dispensent un enseignement qui respecte les schémas prévisionnels de formation des collèges et des lycées.
« L’attribution d’une subvention ou de locaux ne doit pas aboutir à ce que les établissements d’enseignements privés bénéficiant de ces aides se trouvent dans une situation plus favorable que les établissements publics d’enseignement compte tenu des charges et des obligations particulières qui incombent à ces derniers. »

 

Article 7
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° À la première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 212-8, après le mot : « enseignement » est inséré, par deux fois, le mot :
« bilingue » ;
2° À l’article L. 442-5-1, au sixième alinéa, après le mot :
« enseignement » et au septième alinéa, après la seconde occurrence du même mot, il est inséré le mot : « bilingue ».

 

TITRE III
SERVICES PUBLICS : SIGNALÉTIQUE PLURILINGUE ET SIGNES DIACRITIQUES DES LANGUES RÉGIONALES DANS LES ACTES D’ÉTAT CIVIL

 

Article 8
Sur proposition des régions, de la collectivité de Corse ou des collectivités territoriales régies par l’article 73 de la Constitution, par voie
conventionnelle ou contractuelle, les services publics peuvent assurer sur tout ou partie de leur territoire l’affichage de traductions de la langue française dans la ou les langues régionales en usage sur les inscriptions et les signalétiques apposées sur les bâtiments publics, sur les voies publiques de circulation, sur les voies navigables, dans les infrastructures de transport ainsi que dans les principaux supports de communication institutionnelle, à l’occasion de leur installation ou de leur renouvellement.

 

Article 9
L’article 34 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les signes diacritiques des langues régionales sont autorisés dans les actes d’état civil. »

 

Article 10
La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

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